mercredi 8 juillet 2015

Notes sur l’Etat islamique : l’essence de la modernité capitaliste

La théorie académique ne comprend pas. A ne pas pouvoir saisir l’essence de phénomènes masquant leur imposture sous l’habillage sémantique de la géopolitique bourgeoise on appréhende alors des structures à l’aide d’une grille de lecture qui n’est plus opératoire au regard de la réalité.

A ce titre l’ « Etat islamique » n’est ni un « Etat » ni « islamique » il représente à l’heure actuelle la forme la plus aboutie de l’entreprise transnationale capitaliste et de l’idéologie managériale portée à son comble. Le spectacle de l’imposture se nourrit de la confusion terminologique.

L’ « Etat islamique » n’est pas une organisation terroriste qui fonctionne grâce aux capitaux, elle est une transnationale capitaliste qui assoit sa domination par la terreur. La terreur est l’instrument de cette organisation transnationale capitaliste et l’ensemble de son activité est organisée autour de ce principe.


L’entreprise totalitaire n’est alors que le reflet de la totalité capitaliste dans ses dimensions pratique, idéologique et émotionnelle. Dépassant les séparations frontalières de l’héritage colonial  l’ « Etat islamique » rationalise pour un temps l’espace de la mise en valeur du capital. Dans ce contexte, le discours psychologisant et les lieux communs sous-marxistes de « l’idéologie comme force matérielle » font figures de démission de la théorie critique. La saisie radicale de la nature de l’ « Etat islamique » invite à dévoiler l’imposture spectaculaire mise en scène tant par ses acteurs que par ses détracteurs formels. L’impossibilité conceptuelle pour la pensée académique bourgeoise à saisir la nature capitaliste-marchande de cette organisation moderne,  est avant tout  l’expression de l’impuissance de la classe dominante à critiquer son propre monde.

L’histoire de l’ « Etat islamique » est avant tout l’histoire de la lutte des classes. Son aboutissement étant la mise à mort d’une partie d’un prolétariat transnational articulée avec une idéologie managériale pseudo-religieuse dont l’objectif est la consommation sociale immédiate du capital humain et matériel.

Le capital humain employé est le surplus de la force de travail transnationale, désocialisée sous différentes formes, et qui trouve en négatif à s’employer sous une autre forme socialisée mais qui comporte en elle sa propre négation, la mort sociale et physique.

L’organisation du recrutement organisationnel emploie les techniques manipulatoires de n’importe quelle direction des ressources humaines (ciblage, flatteries, acceptation idéologique du sacrifice, …). Dans son acceptation littérale l’humain est ainsi une ressource et comme toute ressource sociale l’objectif est sa consommation dans la mort.

L’imaginaire du spectacle capitaliste renforce les tendances morbides de la désocialisation et accélère l’identification à la communauté aliéné. L’idéologie « islamiste » de l’ « Etat islamique » fonde la cohérence de l’organisation communautaire totale en « naturalisant » chez l’ennemi une manière d’être religieuse, d’origine géo-politique, donc historique et passagère, mais aussi parce qu’elle pratique une vision réifiante (véritable perception délirante) de l’adversaire politico-religieux. La partie par un processus d’essentialisation de l’ennemi devient le tout. L’idéologie est ainsi le tout en tant que cristallisation théorique d’une partie.

L’ « Etat islamique » est l’irruption du retour de la fusion bureaucratico-marchande  (sous une forme militaro-mafieuse trompeuse) dont la nouvelle praxis se fonde sur le management. L’encadrement bureaucratique qui ne trouvait plus à s’employer dans un Moyen-Orient décadent possédait le capital tant cognitif que matériel pour structurer cette partie du monde dans sa rationalité la plus fonctionnelle à court terme. Les anciens dirigeants des armées orientales, issus des rangs de la bureaucratie laïque ba’assiste,  sont les employeurs de la dérive du monde moderne. Les employés de l’ « Etat islamique » sont eux les employés-modèles du monde capitaliste. Tandis qu’un prolétaire aliène sa force de travail à son employeur, le prolétaire de l‘ « Etat islamique » aliène jusqu’à sa propre existence dans l’immédiateté de la production sociale de la mort. Par une ironie cruelle, le prolétaire de l’E.I produit sa propre mort, mais pour l’accepter il  doit alors dans un même mouvement participer à la production du spectacle de la mort. Le capitalisme est une mise en image des pulsions morbides et d’un monde mortifère où la réification des rapports sociaux contient en germe son propre dépassement ultime dans la production de la mort. Les rapports sociaux réifiés sont des rapports entre objets, la non-vie de la marchandise dont la froideur clinique annonce la chambre mortuaire de la production sociale. L’ « Etat islamique » achève en un sens ce que ne pouvait faire en un sens le capitalisme totalitaire d’autres entreprises du management total comme en son temps l’United Fruit Company américaine.

Le soi-image est alors la négation de soi et l’image désincarnée survit à ses acteurs comme négation universelle.

C’est seulement en comprenant le rapport d’objet à objet qu’il est permis de comprendre la nature schizophrénique de l’ « Etat islamique ». L’état psychopathologique ne se situe pas avant la réification mais elle en est le produit dialectique. Le climat de mystification et de rationalité morbide produisant dans un même mouvement la fausse conscience et la schizophrénie politique.

Toute tentative d’analyser la structure « Etat islamique » par les catégories bourgeoises de la « géopolitique » et des facteurs psychologisants, toute négation du rôle de cette organisation dans la mise en valeur du capital régional et sa circulation (pétrole, coton, …) et de sa structuration interne comme reflet des conditions d’exploitation modernes capitalistes ne peuvent aboutir qu’au renforcement de l’idéologie capitaliste dominante.

Ces notes rédigées en juin 2015 dans l’objectif de l’écriture d’une brochure sur la situation au Moyen-Orient ne constituent donc que l’ossature d’un texte plus développé.