mercredi 11 mai 2016

Enragez-vous qu'ils disaient ...



A la suite d'un article publié par le groupe Les Enragés, "Ruffin et Lordon, une Nuit à dormir Debout" les sous-gauchistes qui voyaient là leur jouet se faire casser ont piqué une crise en série via leurs blogs respectifs. Une des réponses les plus comiques adressées à ces Enragées a décidé de donner clairement dans la manipulation, d'une part en faisant dire à l'article des Enragés qu'ils affirmaient que tous les confusionnistes sont des fascistes (ce qui est partiellement faux) d'autre part en noyant le poisson sous une dialectique implacable : les Enragés en dénonçant les germes du fascisme chez les confusionnistes font le jeu ... des fascistes. Implacable donc. Ca sent bon la dialectique de cour de récréation.
Ainsi dans le très indigeste article "La confusion qui s’étale", on apprend que les gourous de Nuit debout sont tous mis dans le même sac. Ce qui est vrai. Mais ce qui est faux c'est que le sac en question ne porte pas le même nom pour les Enragés. Là où ils ont écrit "Extrême glauque" (et ils ont raison) le blog "Observatoire..." y lit "Fascistes". C'est marrant ces difficultés, chez les défenseurs de confusionnistes, à trouver les bonnes lunettes pour lire un article de base. La faille de l'article est peut être à trouver ... en dehors de l'article. En l'occurrence le visuel de tête qui fait apparaître Marine Le Pen aux côtés de fascistes rouges. Là, pour le coup on a trouvé ça un peu tirer par les cheveux. Et comme c'est sûrement la seule partie du dossier que le blogueur a lu (ou plutôt mal lu) forcément c'est donner le bâton dialectique pour se faire battre.
Mais le blogueur se démasque au fil des lignes et laisse apparaître sa manipulation :

Rejeter dans le camp du Capital la gauche pourtant anticapitaliste qui prétend conquérir l’Etat (légalement ou pas) en s’appuyant sur une certaine verticalité de parti(s) (et qui ne prétend nullement « le contraire ») est une outrance qui peut se concevoir lorsqu’elle est émise dans le cadre d’une lutte pour l’hégémonie interne à la gauche ; mais cela devient franchement problématique lorsque cette critique se drape dans les oripeaux de l’antifascisme et rejette des camarades dans les limbes du fascisme ou de ses instruments confusionnistes sous prétexte d’une divergence de stratégie.
On n'a pas lu dans le dossier des Enragés une attaque contre les gauches radicales étatistes (trotskystes ou maoïstes) et là où le blogueur se plante en beauté c'est que parmi les détracteurs des Nuits Debout les plus virulents se trouvent des groupes léninistes ou bordiguistes. Pour la tentative de césure étatistes / anti-étatistes on repassera. Pour l'interprétation d' "anticapitalisme" que le blogueur doit confondre avec "anti-libéralisme" on repassera également. La plus fournie des observations critiques viendra pour l'instant d'un groupe de l'autonomie ouvrière.

Mais quelles sont donc les motivations (à peine cachées) de ce mystérieux blog ? Il suffir de cliquer un peu plus loi, sur un autre article du même blog, "La confusion qui s'installe" :

A ce titre, les positions des partisans d’une reconquête de la souveraineté populaire dans le cadre national, par exemple, ou en faveur d’un strict rejet de toute forme de changement dans un cadre étatique, peuvent être débattues.

Quand des ouvriers répondent au Fakir


En bref on nous invite tranquillement à bavarder avec la puante gauche nationaliste. Tout ça fleure bon la naïveté débile de l'apprenti militant pour qui il y a effectivement un clivage entre la gauche et la droite. L'ignorance crasse de cette idéologie de victimisation passe à côté de deux éléments importants de notre culture théorico-pratique, largement développés dans notre mouvance du communisme des conseils / autonomie ouvrière :
 - d'une part que le fascisme existe dans le Capital sous une forme concentrée (les guignols des partis fascistes à qui il arrive parfois de prendre le pouvoir pour rationaliser l'efficacité des investissements tout en restant des marionnettes du capitalisme) mais que surtout il existe sous une forme diffuse, et la porosité entre la gauche du Capital et que les politiques fascistes de répression anti-ouvrière, de surveillance autoritaire et de démagogie xénophobe n'est plus à démontrer ;
- d'autre part que le national-bolchévisme, le keynésianisme chauvin et autre forme patriotarde de la gauche étatiste à bout de souffle est le marche-pied du fascisme. Et que le fascisme a largement trouvé sa source dans les formes autoritaires et chauvines de la gauche. Etre antifasciste radical c'est combattre le fascisme à sa racine, et la racine se trouve largement implanté dans la gauche. Le nationalisme de gauche est un poison qui infuse dans les partis fascistes prompts à en récupérer les militants et les postures sociales.
C'est ainsi que les textes d'Otto Rühle, sûrement l'un des révolutionnaires des Conseils ouvriers les plus lus (et un réel révolutionnaire, les rues spartakistes c'était autre chose dans le contenu politique et pratique que les pitreries des Nuits debout qui font fantasmer les contestataires en carton du blog Observatoire) sont d'une importance toujours d'actualité pour nous. Ainsi  nous avons tirées les leçons de nos expériences présentes et passées (lire "Fascisme brun, fascisme rouge" ou "La lutte contre le fascisme commence par la lutte contre le bolchévisme" - ce qui n'empêchait pas Rühle d'être en dialoque avec Trotski).
Le texte des Enragés se situe donc dans le prolongement de cette lignée historique qui attaque le fascisme à la racine. L'antifascisme radical c'est bien cela et on le partage largement. Et ceux des groupes antifascistes qui sur leurs blogs/facebook ont vertement critiqué les Enragés feraient mieux d'y réfléchir à deux fois avant de prendre position pour la gauche étatiste patriotarde contre d'autres groupes antifascistes

Plus généralement on a été un certain nombre à émettre des réserves sur ces Nuits Debout dont on pourrait se foutre royalement au final. Ce petit (oui petit) happening citoyenniste mythomane (aussi bien dans ses comparaisons avec le mouvement des jeunes prolétaires de Taksim que dans ses prétentions à se substituer à l'auto-activité du prolétariat par ses appels pitoyables à la grève générale) ne représentent au final que les mêmes éternels profils du militantisme associatif subventionné, de petits soldats maniaques de la manipulation d'assemblées via les commissions auto-proclamées des questions sociétales comme dirait l'autre.
Le dossier des Enragés est fourni et si par le passé, selon certains, ils ont pu faire des erreurs de collecte d'informations (faits ou sources) on aimerait bien lire un seul article contredisant, sur les blogs ou sur les facebook, les éléments du dossier présent.
Si virer le réactionnaire Finkielkraut était une bonne idée (mais personne ne s'est posé la question de savoir pourquoi il s'était permis d'approcher un tel rassemblement) on se demande comment il se fait que les Lordon, Fakir et compagnie ne se soient pas fait virer aussi. Mais pour cela il aurait fallu que les militants de l'associatif subventionné se virent eux mêmes du rassemblement. Il y a des limites à la schizophrénie de l'auto-expulsion donc on ne s'étendra pas plus sur le sujet.

Là où se situent nos différences avec les Enragés c'est sur l'utilisation de sources comme Mondialisme ou surtout Mémorial98 en lien avec l'association arménienne VAN proche elle-même du philosophe capitaliste Bernard Henri Levi ou de l'organisation pro-coloniale CRIF. Camarades assumez votre cohérence jusqu'au bout pour rendre votre message plus clair.

Nuit Debout tient clairement de la manipulation citoyenniste, et la teneur "de classe" est largement absente des commissions et des débats, dans cette foire ouverte où l'on a vu se côtoyer un fumeux groupuscule identitaire antijuif fan du Hamas et une banderole célinienne au parfum nauséabond d'eau de vichysme "Bankster" (copyright le collabo L.F. Céline) on a logiquement eu droit à une critique à côté de la plaque de la finance (vieux thème nazi recyclé) à la place de la critique du capitalisme. Mais globalement ce mouvement rêve d'une révolution constitutionnelle, un vaste mouvement d'une démocratie radicale fantasmée et veut subordonner toute "grève générale" orgasmique à cette fin.

La surprise est donc venu de certains blogs antifascistes dont un qui par le passé avait montré une cohérence sans faille, La Horde. L'argument impitoyable se réduit au "il faut y aller puisqu'il y a des gens qui y sont". Quand on repense aux positions sans faille de ce blog vis-à-vis du mouvement sous-fasciste des Bonnets Rouges tout cela est très décevant. On appréciera tout particulièrement le fait de relever que, par exemple, sur certaines listes internes SUD de banlieue de nombreux militants pour le moins radicaux se sont exprimés d'une façon très critique vis-à-vis de ces Nuits Debout. Mais ça le petit univers groupusculaire hexagonal ne pourra jamais le comprendre, tout tournant selon eux autour de leur petit monde qui-sait-tout.

Comme d'habitude on a l'impression d'assister au spectacle du microcosme est-parisien bien loin de nos réalités en banlieue et surtout concernant Nuit Debout plus précisément dans ses délires volontaristes un mépris de la classe ouvrière et de l'actualité la concernant imposée par le droit bourgeois : les négociations annuelles. Aucune commission créée pour comprendre et connaître la vague de grève qui dans le silence médiatique logique le plus absolu s'est diffusée à travers de nombreuses régions (les ouvriers de CSF à Aulnat, de NTN à Allones,de Dounor à Neuville-en-Ferrain, etc. etc.). Mais tout cela était si éloigné des codes militants aliénés des fakiristes qu'ils sont passés complètement à côté.

Lire également :

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